Défis du contexte et risques émergents
Madagascar a organisé plusieurs élections multipartites. Cependant, la démocratie et la culture démocratique restent faibles et les élections peuvent facilement être manipulées politiquement et donner lieu à des tensions sociales et politiques. En effet, en général, les élections y compris des referenda et donc des projets de changement constitutionnel à Madagascar sont décrites par les parties prenantes comme des situations à risque, ayant dégénérées à plusieurs reprises en protestations violentes, la mobilisation du pouvoir en dehors des institutions et la saisie du pouvoir à travers des manifestations publiques et un coup d’Etat en 2009, ce dernier soutenu par l’armée. Il a été également observé que des contextes pré-électoraux tendus, traduisant souvent une méfiance politique, génère des résultats contestés par des forces de l’opposition, ce qui engendre souvent des risques de déstabilisation, un obstacle pour le développement durable du pays. L’instabilité politique s’observe également dans un contexte plus large que celui des élections et notamment dans la mise en place des institutions, la formation du gouvernement, l’adoption des textes de loi fondamentaux liés à la vie politique, économique et sociale, les processus liés à la lutte contre la corruption, la réconciliation et les réformes du secteur de sécurité.
En effet, même si le pays a, depuis son retour à l’ordre constitutionnel en 2013, fait des efforts dans la consolidation de la démocratie, Madagascar demeure un pays éminemment fragile, politiquement[1] mais aussi économiquement et socialement. En 2017, Madagascar continue à figurer parmi les pays les plus fragiles au monde pour ce qui est de la paix. La publication 2017 de The Fund for Peace sur l’indice des Etats fragiles place Madagascar au 55e rang sur 178 pays. Bien que le pays ne soit pas menacé par la guerre ou par des conflits frontaliers, ces menaces proviendraient de l’intérieur. Parmi les facteurs de risque figure le climat politique tendu et une réconciliation nationale non achevée vu que le dialogue politique a stagné. Un autre risque est la déconnection des populations des systèmes de gouvernance par l’absence d'un espace de mobilisation et de participation permanente des citoyens dans le suivi des actions politiques, ce qui explique en partie la faible redevabilité et obligation de rendre compte des gouvernants dans la gestion des affaires publiques et la prise en compte des préoccupations citoyennes. Ainsi, il a été constaté un déclin de la confiance accordée aux élus. Ce constat se traduit dans une croissance des taux d’abstention lors des élections, ce qui traduit un désenchantement non à l’égard de la démocratie en général mais à l’égard du mode de fonctionnement démocratique malgache. Cette situation est aggravée par la corruption à toutes les échelles de la société. En effet, selon les résultats de la Transparency International 2017 et les indices humains de développement, Madagascar demeure toujours parmi les pays les plus corrompus au monde. Sur 174 pays classés par l’ONG Transparency International, Madagascar est classé 133ème en matière de perception de la corruption.
En ce qui concerne, le secteur de sécurité, en général, les analyses de ce secteur, amènent à constater que les forces de défense et de sécurité ne sont pas en mesure de répondre pleinement aux besoins de sécurité de la population et sont souvent perçues par la population comme étant faibles, inefficaces et même parfois impliquées dans la perpétration d’abus et de violation des droits de l’Homme. Par conséquent, un sentiment de méfiance existe de la part de la population vis-à-vis des forces de l’ordre.
Dans ce contexte, les prochaines élections générales (présidentielle et législatives), prévues pour la fin de l’année 2018, constituent un test pour le pays de consolider davantage sa démocratie et la stabilité et de marquer un pas vers un contexte politique propice à un état de droit et au développement du pays. Cependant, elles constituent également un risque de générer une nouvelle crise et d’engranger des violences si les protagonistes ne respectent pas les règles du jeu. Afin de réussir ce test, beaucoup de défis se présentent et principalement celui de garantir un climat serein et apaisé qui inspire la confiance de toutes les parties prenantes.
Cependant, le contexte actuel, montrent des signes d’un malaise généralisé créant un climat pré-électoral tendu avec beaucoup d’incertitudes. Les questions comme celles liées à l’encadrement juridique des élections, l’inclusivité du processus (tant au niveau de la participation citoyenne et politique), sa crédibilité et sécurisation, le calendrier restent sans réponses créant un climat de tension qui a le potentiel de dégénérer en crise si pas traitées dans les meilleurs délais. Dans ce contexte, il est également constaté que peu d’expérience et d’expertise existent localement en matière d’action de prévention, atténuation et gestion de conflit et violence, pourtant essentiel pour contribuer à créer un climat plus apaisé.
Une réponse à la situation
Pour répondre aux défis du contexte et en ligne avec les objectifs de l'Instrument contribuant à la Stabilité et à la Paix (IcSP) de jouer un rôle majeur pour prévenir les crises dans le monde et intervenir en cas de crise émergente ou avérée, l’action vise à contribuer à créer un climat apaisé qui inspire confiance en mettant les actions de dialogue et de collaboration multi-acteurs au cœur de toute démarche. En effet, la consolidation de la paix et de la stabilité nécessite un dialogue renforcé à tous les niveaux de la société malgache. La prévention et résolution de conflit potentiel demande également un dialogue inclusif avec l’implication de tous les acteurs. Les organisations de la société civile et les médias sont idéalement placés pour créer des liens entre les différents acteurs et des passerelles entre ces acteurs et la population en générale. Il s’agit donc principalement d’un accompagnement de ces acteurs à travers l’amélioration de leur performance à promouvoir une culture de paix et de tolérance et à travers le renforcement de leurs capacités dans la prévention de conflit, construction de la paix et la préparation aux crises potentielles.